Croire que l’on est seul.e dans sa tête, c’est prendre les voix des autres pour sa propre voix. Aucune personne n’est seul.e dans sa tête, ce privilège n’est pas réservé aux personnes traversant un épisode schizophrénique.

On n’entend pas nécessairement la voix des autres sous la forme de leurs voix, mais on n’en est pas moins traversé.es par tout ce qu’ils/elles nous disent.

Depuis tout.e petit.e, on a intériorisé les voix de nos parents, des personnes qui se sont occupé.es de nous, de celles et ceux qui nous ont éduqué.es, que ces voix nous aient soutenu.es et/ou fragilisé.es. Nous sommes traversé.es par les voix des autres, par leurs conflits et leurs tensions intérieures, qui d’ailleurs parfois deviennent les nôtres.

“Je ne suis bon.ne à rien.”, “Je dois réussir.”, “Je ne peux pas prendre telle chemin.”, “Je ne sais pas me débrouiller tout.e seul.e.”, “Je suis faible.”, “Je suis fort.e.”, etc. Parfois on passe toute une vie à coller à ces voix ou à essayer vainement de leur échapper.

Quand on prend une décision, les arguments qui se succèdent et s’entrechoquent dans nos têtes ne sont pas juste ceux que nous sommes capables de produire. Ils appartiennent aux autres pour bon nombre d’entre eux. C’est une mère, un père, une grand-mère, un grand frère, une prof, des camarades de classe, etc. qui parlent à travers ces arguments.

Certes, on est jamais totalement libre de décider pour nous-mêmes.
Mais on peut devenir plus libre.

Bien sûr, on sera toujours traversé.es par les voix des autres. On ne sera jamais complètement seul.e dans nos têtes. Toutefois, on peut mettre au travail ce qui se dit pour mettre à jour ces voix, et ce faisant, pour trouver la nôtre, celle qui est parfois inaudible au milieu du vacarme des autres. On peut faire le tri entre ce qui nous appartient et ce qui ne nous appartient pas.

Car elle est bel et bien là, notre voix. Elle existe, elle parle. Elle parle d’ailleurs à travers notre corps, tout le temps, et parfois de manière bruyante quand elle n’arrive pas à se faire entendre.

C’est pour cela que la dimension corporelle ne doit pas être ignorée dans un travail d’analyse. Il n’y a pas l’inconscient d’un côté et le corps de l’autre.

Il y a une voix à trouver, la nôtre. Notre inconscient et notre corps nous y mènent.