La sensibilité ne désigne pas tellement en premier lieu les sentiments, les émotions. Elle caractérise d’abord une aptitude tout à la fois psychique et organique à réagir à ce qui se passe dehors et/ou dedans, et ce de manière plus ou moins vive. Elle est attachée au détail, et les surdoué.e.s étant très sensibles aux détails, ils en nourrissent leur sensibilité. Ils nourrissent leur sensibilité de leur sensorialité. D’ailleurs, c’est parfois ce qui apparaît comme un détail qui va déclencher une vague d’émotions chez un.e surdoué.e, quel que soit l’âge ou le sexe.

L’hypersensibilité des surdoué.e.s

Là encore, elle prend mille visages. On peut aisément constater que les surdoué.e.s sont intensément sensibles, mais cela peut s’exprimer de manière très diverses, et résider à des endroits divers.

Pour certain.e.s, c’est une évidence, ça transparaît et ils/elles l’expriment avec leurs mots, leurs larmes de peine, de rage et de bonheur, leurs colères noires, leurs éclats de joie. C’est palpable, ça se voit à dix bornes. Pour d’autres, c’est plus discret, c’est même froid parfois. Cela dépend des sujets, des personnes, des situations.

Certain.e.s dévoilent toute leur sensibilité à une seule personne, et peuvent sembler très distant.e.s, voire insensibles aux yeux des autres, alors qu’ils/elles sont très loin de l’être. Mais de par leur tempérament et leur éducation, ils/elles ne s’autorisent pas à exprimer ce qu’ils/elles ressentent, ou bien en de très rares occasions, ou bien avec une ou quelques personnes soigneusement choisies et en qui ils/elles ont une extrême confiance pour laisser entrevoir leur précieuse et intime sensibilité.

La sensibilité à l’épreuve des cultures

Etre un homme, tout comme être une femme, ne se résume pas aux attributs biologiques dont nous sommes doté.e.s. Toute société humaine est une société culturellement codifiée, et même s’il existe parfois des ressemblances, des variables communes, être un homme aujourd’hui en France se vit différemment de la manière d’être un homme aujourd’hui dans un autre pays.

D’un pays et donc d’une culture à l’autre, même sans aller jusqu’en Chine, on n’exprime pas les mêmes choses ni au même moment ni de la même manière. Ce qui est toléré chez une petite fille ne le sera pas chez un petit garçon, et inversement. De même chez un.e ado, un.e adulte. Et ceci variera encore d’une région à l’autre, d’une communauté d’appartenance ou religieuse à l’autre, d’une famille à l’autre.

Tout cela va sans dire, et pourtant, il est facile de l’oublier et de conclure hâtivement que telle ou telle attitude n’est pas acceptée car notre culture la tolère mal. Il est aisé de pathologiser ou de qualifier d’infantile telle ou telle réaction, en oubliant toute l’influence culturelle, éducative, familiale dont nous sommes pétri.e.s, qui que nous soyons.

La sensibilité des hommes

Les injonctions faites aux garçons, tout comme celles faites aux filles, commencent parfois in utero, après l’écho qui aura révélé le sexe du bébé. Un petit garçon, ça aura une chambre bleue, ça jouera aux voitures et à la guerre, ça ne pleurera pas, ça sera fort et courageux en toutes circonstances, etc.

Tout être humain est un être d’émotions, les hommes n’échappent pas à cette caractéristique. Tout homme ressent de la joie, de la peur, de la colère, de la tristesse. Ils sont tout aussi bien câblés que les femmes pour pleurer. Elles sont tout autant douées de force et de courage qu’eux.

Il y a quelques mois, j’ai eu une longue discussion avec un petit garçon de 11 ans, que j’ai eu le privilège de voir grandir et d’accompagner sur un bout de chemin. Il avait un gros chagrin, mais il n’avait pas le droit de pleurer, parce que tu comprends, m’avait-il expliqué, je suis un garçon, et les garçons ça n’a pas le doit de pleurer. On avait alors philosophé pendant une bonne heure pour arriver à la conclusion que la sensibilité et les larmes, c’est juste complètement humain, et que c’est tout aussi vital et naturel que beau, vraiment très beau même, qu’on soit un garçon ou une fille. 

Je n’ai eu de cesse, chaque fois que cela se présentait, de dire à ce petit garçon combien je trouvais sa sensibilité magnifique. Il a souvent baissé la tête et répondu que j’étais bien la seule.

Etre un homme, un conjoint, un frère, un père, un ami, ne se vit pas de la même manière qu’il y a quelques générations à peine. L’évolution a été telle ces dernières décennies que les hommes, les compagnons, les pères d’aujourd’hui ont à inventer leur manière de vivre leur virilité. C’est un défi aussi beau qu’effrayant, car ces hommes ont moins de repères puisqu’il s’agit bien moins de reproduire que de produire.

Je reçois des petits garçons, des ados, des hommes qui luttent avec leurs émotions, qui en ont honte, qui s’en cachent, qui parlent de leur sensibilité comme on décrit une tare. Ils se voudraient différents, plus virils, des gars qui ne seraient touchés par rien, ou au moins, qui sauraient ne pas le montrer, contrôler leurs émotions et les garder enfermées en eux loin du regard des autres.

Un homme qui s’autorise à vivre sa sensibilité, c’est un homme qui propose aux autres de la vivre, notamment aux garçons pour qui il est une figure masculine, que ce soit ses fils, ses neveux, ou tout autres garçons, enfants, ados et jeunes adultes avec lesquels il interagit au quotidien. D’ailleurs, un homme qui s’autorise à vivre sa sensibilité, c’est aussi un homme qui propose aux femmes et aux filles qui font partie de sa vie de poser un autre regard sur la masculinité.