Il y aurait des surdoué.e.s très perfectionnistes dans tous les domaines, travaillant beaucoup et bien, et il y aurait ceux et celles qui sont doué.e.s de paresse alors qu’ils/elles ont de grandes capacités qu’ils/elles gâchent en ne les exploitant pas.

La paresse, illusion ou réalité ?

Il en va de la paresse comme de l’immaturité, c’est une illusion et un épouvantail à réflexion.

Beaucoup de parents et de profs attendent des jeunes surdoué.e.s qu’ils/elles exploitent leurs capacités/facilités/potentiel pour tout et tout le temps, et tolèrent finalement assez mal que ces enfants, ces ados et même ces adultes ne fassent pas leur maximum tous les jours et en toutes circonstances.

On peut se poser deux questions. Pourquoi les surdoué.e.s ne cherchent-ils/elles pas à donner le meilleur coûte que coûte et tout le temps alors que, soi-disant, ils/elles le peuvent ? Et surtout, qu’est-ce qui se cache derrière le désir parental et professoral que ces jeunes exploitent leur potentiel sans réserve et sans modération ?

Renverser la perspective, c’est-à-dire plutôt que de se demander pourquoi les jeunes surdoué.e.s ne sont pas tous et toutes des êtres parfaits, il est plus judicieux et fécond de se demander pourquoi parents et profs exigent que ces jeunes soient irréprochables ?

Avant de se demander comment mieux faire, ce qui appelle une réponse plus complexe et personnalisée que « il faut travailler », demandons-nous pourquoi mieux faire et surtout pour qui ?

Quand un parent ou un prof réclame un « peut mieux faire », c’est de lui, d’elle qu’il parle, de son désir à lui ou à elle que son enfant ou son élève soit comme ceci ou comme cela, de son impuissance face à ce/cette jeune qu’il est plus facile de lui imputer, de son incompréhension du fonctionnement surdoué et de son envie de ne pas le comprendre mais de le réduire à une question de paresse, voire de son impossibilité, pour tout un tas de raisons personnelles complexes et souvent inconscientes, à admettre ce fonctionnement et ces spécificités. En aucun cas, même si c’est bien évidemment déguisé sous le discours de l’avenir du jeune dans un style « c’est pour son bien », en aucun cas cela ne parle du jeune lui/elle-même.

Pouvoir ne veut pas dire falloir.

Il est urgent de ne pas confondre les deux ! Ce n’est pas parce qu’on peut qu’il faut. D’autant qu’il est absolument erroné de croire, car il s’agit bien d’une croyance, qu’un.e surdoué.e peut tout faire très bien, tout le temps, en toutes circonstances. Il est encore pire de penser qu’un.e surdoué.e doit faire très bien tout le temps et en toutes circonstances. C’est attendre de ces atypiques qu’elles/ils soient des êtres parfaits. Même les plus grand.es génies dans une discipline ou une autre ne sont parfaits en rien.

Le terme de facilités est hautement discutable. Demandez à un.e surdoué.e qui, selon vous, a des facilités pour ceci ou cela, s’il/elle trouve difficile ce qu’il/elle fait. A coup sûr, la réponse sera non, car il/elle est juste en train de faire quelque chose de normal. Cela ne veut pas dire que ça ne lui demande aucun effort, même si ça lui en demande peut-être moins que les autres, ça n’en reste pas moins normal, voire facile, mais normal. Il n’est pas question de prouesse. Ce n’est pas comme cela que les surdoué.e.s ressentent ce qu’elles/ils font. Il n’y a rien de miraculeux ou de spécial, c’est juste normal, même si ce n’est pas la norme.

Ne pas travailler ce n’est pas faire preuve de paresse.

A rengainer autour de la paresse, on ferme complètement le dialogue et surtout on élude les questions qui pourraient vraiment donner un éclairage sur une situation scolaire difficile.

Il est bien plus facile de dire « il/elle est paresseux », en collant une étiquette fourre-tout qui a le mérite de ne plus demander de penser intelligemment, que de se demander avec ce jeune ce qui, éventuellement, ne va pas.

Là encore, une multitude de facteurs peuvent entrer en jeu : un trouble de l’apprentissage de type dys (dyslexie, dyspraxie, etc.), une incompréhension méthodologique, la peur viscérale d’échouer, une situation familiale douloureuse, un.e prof avec qui cela ne passe pas, un harcèlement, une inhibition intellectuelle du fait que comprendre est dangereux dans telle ou telle famille, un désintérêt profond pour telle ou telle matière (et oui, les surdoué.e.s ne s’intéressent pas à tout et tout le temps !!), la crainte inconsciente de dépasser les parents ou au contraire de ne pas être à la hauteur, une pédagogie nocive, etc.

Bref, on l’aura compris, la paresse a bon dos, et elle est parfois bien utile aux parents et aux profs qui veulent éviter de se poser les questions qui pointeraient du doigt ce qui dysfonctionne réellement. Il est plus commode d’accuser un.e jeune de paresse que d’aller voir là où ça coince.

Et les adultes dans tout ça ?

Il serait regrettable de penser que la maturité tient dans le fait que l’on est capable de se contraindre à faire des choses qu’on n’a pas foncièrement envie de faire ou qui n‘ont pas de sens.

L’argument de type « Tu crois quoi, que ça m’amuse moi de partir travailler tous les matins ? Et bien non, mais c’est comme ça, c’est pénible mais j’y vais, et bien toi c’est pareil pour l’école. » ne peut pas donner envie à qui que ce soit de grandir.

Non, le travail n’est pas censé être une corvée qu’on se coltine pendant plusieurs décennies. Oui, on peut trouver un travail épanouissant. Non, être adulte ce n’est pas être capable de s’emmerder au travail en se plaignant mais en y allant quand même. Non, ce n’est pas immature ou infantile que de vouloir avoir un travail qui ait du sens, et à en changer quand ça ne fait plus sens. Non, la capacité à endurer l’absurde n’est pas une preuve de maturité.

Evidemment, le sens est unique pour chaque personne, et donc là où ça fera sens pour un.e adulte surdoué.e, ça ne fera pas sens pour un.e autre, et inversement. On peut d’ailleurs trouver du sens à ce que l’on fait, non pas parce que tel ou tel travail nous passionne, mais parce qu’il répond à une norme sociale ou familiale, mais cela a-t-il profondément du sens pour la personne que l’on est profondément ?

Les adultes surdoué.e.s sont souvent des assoiffé.e.s d’azur, et à y regarder de plus loin, en prenant le recul qui montre le chemin qu’ils/elles se dessinent, on peut voir combien il n’est point question de paresse quand ils/elles sont passionné.e.s.

Alors que penser, que faire ?

Face à ce qui, selon vous, ressemble à de la paresse, la vôtre ou celle de quelqu’un d’autre, il s’agit encore et toujours d’essayer d’aller au-delà, de ne pas s’arrêter à ce que vous voyez ce que vous pensez, ce que vous percevez, mais d’aller véritablement à la rencontre de la question que pose le comportement de tel.le enfant/ado/adulte.

Bien sûr, il y a les réactions à chaud, on ne peut les éviter, on peut les écouter, les vivre, et puis, quand on peut, aller plus loin, entendre au-delà, et là, seulement là, il pourra peut-être se passer enfin quelque chose qui vous sortira de cette impasse dans laquelle vous vous réfugiez en brandissant la fameuse paresse.