L’un des enjeux de la douance, pour ne parler que d’elle, est de veiller à ne pas pathologiser ses manifestations.

On pourrait dire la même chose d’un deuil, d’un épisode dépressif, voire même parfois d’un épisode psychotique. Je choisis de parler d’épisode car il ne va pas du tout de soi que ce que traverse une personne à un moment de sa vie soit une maladie, encore moins une fatalité.

Bien sûr, il y a une souffrance, parfois extrêmement aiguë, à entendre. C’est indéniable, mais justement, il s’agit de savoir quoi entendre de cette souffrance. En effet, à n’en regarder que les traits saillants, les manifestations parfois impressionnantes, voire très inquiétantes, on passe à côté de l’essentiel : qu’est-ce que cette personne est en train de dire d’elle et de ce qu’il lui arrive ?

A se focaliser sur la disparition de ces manifestations, on cherche à faire taire ce qui se dit. Or, ce faisant, on peut en arriver à plonger et enfermer une personne, enfant, ado ou adulte, dans une pathologie, à tort.

Chez les surdoué.es, les manifestations d’une souffrance peuvent être très fortes, très intenses et faire peur, ce qui va conduire les psys qui n’en connaissent pas le fonctionnement, à employer le vocabulaire de la pathologie, et à venir confirmer le sentiment de folie des personnes surdoué.es qui souffrent.

On imagine alors aisément les dégâts, du diagnostic erroné à la médicamentation jusqu’à l’hospitalisation, alors que tout cela passe à côté de ce qui se passe profondément pour le/la surdoué.e qui vit un moment particulièrement douloureux dans sa vie.

Combien de personnes se pensent alors folles, faibles, vulnérables, fragiles, incapables de vivre sans anti-dépresseurs ou anxiolytiques car déjà que ça ne va pas mieux, qu’est-ce que cela serait en arrêtant un traitement ?! Et pourtant, justement, quelle magnifique résistance du sujet, de la personne qui s’érige, se dit dans la résistance aux traitements ! Il y aurait tant à entendre pour celleux qui savent prêter l’oreille à celleux qui ont besoin de se dire, d’être entendu.es, de trouver un écho. On aurait tant à gagner à ne pas considérer un épisode dépressif comme une maladie, comme un rhume qui s’attrape et disparaitra à coups de médicaments, mais comme quelque chose de vital, d’urgent qu’une personne est en train de dire avec son corps et son psychisme.

Bien sûr, un traitement médicamenteux peut être très bénéfique à certains moments, mais comment ne pas être consterné, choqué, que cela s’accompagne si peu d’un travail de parole ? Evidemment, cela dépend aussi de la personne, de ce qu’elle a besoin de dire, ou de taire, de ce qu’elle va faire de ce qu’il lui arrive, et de qui elle va trouver sur son chemin. Et cela aussi c’est très beau.

La pathologisation de la souffrance peut être particulièrement néfaste, notamment chez les personnes qui traversent une période complexe de la vie : l’adolescence, un deuil, une grossesse, une parentalité, une maladie, etc.

Encore une fois, cela ne signifie pas qu’il n’y a pas de souffrance, au contraire, cela signifie qu’il y a une souffrance qu’il est urgent d’entendre, et qu’il ne s’agit pas de la faire taire, mais qu’elle puisse se dire, s’élaborer pour que celui ou celle qui l’éprouve trouve davantage de liberté.